Nouvelle jurisprudence du 14 février 2023: Vous êtes nombreux à nous rapporter que certaines Collectivités n’acceptent pas que les Agents posent 2 heures de grève, et obligent la perte d’une journée entière de traitement. Ce n’est pas légal dans la fonction publique territoriale, et le Conseil de l’Europe enfonce le clou en déclarant que c’est contraire à la Charte sociale Européenne (article 6§4) lorsque cette retenue de salaire est effectuée dans la Fonction Publique de l’Etat.
Le droit de grève est un droit fondamental à valeur constitutionnelle qui nécessite néanmoins d’être concilié avec le principe essentiel de continuité du service public (Loi de Transformation de la Fonction Publique du 6 août 2019).
S’agissant des fonctionnaires, leur droit de grève découle de l’article 10 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires qui dispose que « les fonctionnaires exercent le droit
de grève dans le cadre des lois qui le réglementent ».
La grève doit comporter deux éléments cumulatifs : une cessation collective et concertée du travail ; et destinée à appuyer des revendications professionnelles.
Pour les agents, les conditions d’exercice de leur droit de grève dépendra de la strate de population de la collectivité qui les emploie.
En effet, les dispositions du code du travail sur le droit grève s’applique uniquement aux collectivités de plus de 10.000 habitants (article L. 2512-1 du Code du travail et suivants).
➢ Pour les communes de plus de 10.000 habitants :
Le préalable obligatoire à l’exercice du droit de grève consiste à déposer un préavis de grève.
Un ou plusieurs syndicats représentatifs au plan national doit donc déposer un préavis écrit à l’autorité territoriale au moins 5 jours francs avant le début de la grève et préciser :
− le lieu, la date et l’heure du début de la grève,
− sa durée,
− et ses motifs.
Si cette obligation de préavis n’est pas respectée, l’administration peut prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre des agents grévistes. Pendant la durée du préavis, les parties intéressées doivent négocier. Le préavis peut être local, c’est-à-dire déposé par la section syndicale d’une commune ou par une antenne départementale d’une organisation syndicale. Dans ce cadre, le critère de représentativité de l’organisation syndicale locale peut être apprécié en fonction du fait que le syndicat siège au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), ou au comité technique ou à la commission administrative paritaire locale.
Le préavis peut être national, c’est-à-dire émaner d’une organisation syndicale qualifiée sur le plan national.
Dans ce cas, le dépôt de préavis au niveau local n’est pas nécessaire, les agents pourront ainsi s’en prévaloir sur l’ensemble du territoire.
Ainsi, un agent peut localement participer à une grève nationale, pour laquelle un préavis national a été déposé, alors même que l’autorité locale n’avait pas été destinataire d’un préavis (CE 16 janvier 1970 n° 73894).
➢ Pour les communes de moins de 10.000 habitants :
Les dispositions du Code du travail ne s’appliquent pas aux communes de moins de 10.000 habitants et il n’existe pas de dispositions particulières règlementant l’exercice du droit de grève (QE AN 14 juin 2011 n° 10538). En l’état, les personnels de ces collectivités ne sont pas concernés par l’obligation de déposer un
préavis. Pour ces communes, il revient au conseil municipal de définir par délibération les modalités d’organisation de l’exercice du droit de grève. Elles peuvent largement s’inspirer des modalités d’exercice du droit de grève définies par le Code du travail.
➢ Règles communes :
Le droit de grève est considéré comme un droit collectif qui s’exerce, en principe, par le biais d’une cessation collective et concertée du travail et ne peut donc être le fait d’un agent isolé, sauf exception
notamment si l’agent est seul dans la collectivité à pouvoir défendre utilement ses revendications professionnelles (CAA Marseille 18 juin 1998 n° 96MA10733).
La cessation du travail pendant la grève doit être réelle et totale. Cependant, rien ne s’oppose à ce que les agents suivent le mouvement de grève seulement pendant une période prévue par le préavis. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce qu’un agent puisse rejoindre le mouvement de grève postérieurement à la date fixée par le préavis (CE du 29 décembre 2006 n° 286294).
Enfin et sauf service minimum (voir ci-dessous), il n’existe aucun délai de prévenance de l’employeur et il ne peut être imposé à un agent d’indiquer à son autorité son intention de participer à la grève avant le déclenchement de celle-ci. Il appartient à l’autorité territoriale de procéder au recensement des grévistes. Elle peut établir la participation à la grève par divers moyens (liste des agents non gréviste, pointage …).
Les agents absents le jour de la grève sont présumés grévistes à moins qu’ils n’apportent la preuve que leur absence est justifiée par un autre moyen.
➢ Limites à l’exercice du droit de grève :
L’exercice du droit de grève dans la fonction publique doit être compatible avec la continuité du service public. Cependant, les possibilités, pour un employeur de limiter le droit de grève sont très restreintes et strictement contrôlées par le juge administratif. La jurisprudence a ainsi retenu « qu’il appartient au maire responsable, en ce qui concerne l’administration communale, du bon fonctionnement des services publics placés sous son autorité de prévoir lui-même, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, la nature et l’étendue de ces limites » (CE 9 juillet 1965, n° 58778 58779).
En cas de grève, l’autorité territoriale doit pouvoir organiser la continuité des missions de service public indispensable à la satisfaction des besoins essentiels des usagers et de la puissance publique.
Il convient de rappeler qu’il n’existe pas de possibilité de réquisition du personnel des collectivités territoriales par les autorités territoriales. Seuls le gouvernement et les préfets ont ce pouvoir.
Cependant, l’autorité peut mettre en place une procédure dite de désignation qui doit avoir un caractère général et être limitée aux emplois strictement indispensables à la continuité du service public (exemple : état civil, police municipale).
La désignation doit :
− porter sur une liste d’emplois,
− être motivée,
− faire l’objet d’un arrêté,
− être notifiée aux agents qui occupent les emplois concernés.
En cas de grève, l’autorité procédera à la désignation ou non des agents qui occupent les emplois, en fonction de la durée, des modalités, de l’ampleur de celle-ci. Lorsque la désignation est justifiée, les agents qui refusent de s’y soumettre sont passibles de sanctions disciplinaires.
A noter, toutefois, que la désignation ne peut être mise en œuvre que dans le cas où aucun agent non gréviste ne peut assurer le fonctionnement du service concerné.
Le service minimum :
Jusqu’à la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, seul un service minimum d’accueil dans les écoles publiques pouvait être instauré. En application des articles L. 133-2 et suivants du code de l’éducation, dès lors que les enseignants déclarés grévistes représentent 25 % ou plus des enseignants de l’école, l’organisation du service d’accueil des élèves revient à la commune ou à l’établissement public territorial compétent (dès que la proportion est inférieure à 25 %, il revient à l’Etat de prendre en charge l’organisation du service d’accueil).
L’autorité territoriale établit la liste des personnes susceptibles de participer à l’accueil des enfants. Il peut s’agir d’agents territoriaux sous réserve de l’adéquation grade/fonction (ATSEM, agents d’animation), de membres d’associations, d’étudiants, de parents d’élèves, d’assistantes maternelles.
La liste doit être transmise à l’inspection académique.
La collectivité peut confier par convention pour son compte, l’organisation du service d’accueil à une autre commune, à un établissement public territorial, à une caisse des écoles ou à une association gestionnaire d’un centre de loisirs. Elle peut également s’associer avec d’autres communes pour assurer un service d’accueil commun. Les parents d’élèves doivent être informés des conséquences prévisibles de la grève sur le fonctionnement des classes et de l’organisation du service d’accueil.
Avec la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 (art. 56, codifié à l’art. 7-2 de la loi du 26 janvier 1984), l’instauration du service minimum est étendue à d’autres catégories de services
publics. La loi permet en effet à un maire ou au président d’un département ou à toute autre autorité territoriale d’engager des négociations avec les organisations syndicales représentatives en vue de la signature d’un accord visant à assurer la continuité des services publics. L’accord, issu des négociations, doit définir les prestations minimales du ou des services concernés permettant de satisfaire les « besoins essentiels des usagers » et de préserver « l’ordre public ».
Précisément, l’accord détermine les fonctions et le nombre d’agents indispensables ainsi que les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible de ces services, l’organisation du travail est adaptée et les agents présents au sein du service sont affectés. Cet accord est approuvé par l’assemblée délibérante.
À défaut d’accord dans les 12 mois suivant le début des négociations, l’assemblée délibérante de la collectivité locale fixe quels services, fonctions et nombre d’agents sont indispensables pour garantir la continuité du service public.
Les services publics locaux concernés sont :
− la collecte et le traitement des déchets ménagers ;
− le transport public des personnes ;
− l’aide aux personnes âgées et handicapées ;
− l’accueil des enfants de moins de 3 ans ;
− l’accueil périscolaire ;
− la restauration collective et scolaire.
Au surplus et en cas de dépôt de préavis de grève, afin d’organiser le service minimum et l’information des usagers, les agents des services impactés voulant faire grève informent, au plus tard quarante-huit
heures avant de participer à la grève, comprenant au moins un jour ouvré, l’autorité territoriale ou la personne désignée par elle, de leur intention d’y participer. L’agent qui a déclaré son intention de participer à la grève et qui renonce à y prendre part en informe l’autorité territoriale au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure prévue de sa participation afin que celle-ci puisse l’affecter.
L’obligation d’information n’est pas requise lorsque la grève n’a pas lieu ou lorsque la reprise de service est consécutive à la fin de la grève. Par ailleurs, lorsque l’exercice du droit de grève en cours de service peut entraîner un risque de désordre manifeste dans l’exécution du service, l’autorité territoriale peut imposer aux agents ayant déclaré leur intention de participer à la grève d’exercer leur droit dès leur prise de service et jusqu’à son terme.
➢ Conséquences de l’exercice du droit de grève :
Un agent public gréviste s’expose à subir des conséquences de différentes natures selon l’exercice régulier ou non du droit de grève.
Dans le cadre d’un exercice régulier du droit de grève, la rémunération de l’agent gréviste est réduite du fait de l’absence de service fait. En effet, l’absence de service fait donne lieu à une retenue proportionnelle à la durée de la grève, en comparant cette durée aux obligations de service auxquelles l’agent était soumis pendant la période de grève. Ainsi, la retenue est égale à:
− 1/30è pour une journée d’absence, 1/60è pour une demie journée et 1/151,67è par heure d’absence.
La retenue est calculée sur l’ensemble de la rémunération : traitement indiciaire, indemnité de résidence, primes et indemnités.
Les jours de grève ne donnant pas lieu à cotisation retraite, ils ne sont pas pris en compte pour la retraite.
Dans le secteur public, seul un syndicat représentatif peut déposer un préavis de grève. Pour pouvoir déposer un préavis de grève dans l’entreprise ou l’établissement, le syndicat doit être représentatif à ce niveau. Un préavis de grève déposé dans ce type d’entreprise par un syndicat non représentatif ou une simple section syndicale rend le mouvement de grève illégal. La Cour de cassation considère que, dès lors qu’un préavis de grève a été déposé par une organisation syndicale, les salariés ne commettent aucune faute en participant au mouvement
dans le respect du délai de prévenance, peu important que le préavis ait été irrégulier faute de préciser l’heure et la durée de l’arrêt de travail (Cass. soc., 25-2-03, n°00-44339).